On va parler ici du "naturel" et plus précisément évoquer ce sophisme que beaucoup utilisent à foison "le meilleur c’est forcément une alimentation naturelle, qui se rapproche de ce que mangerait un chien/chat dans la nature".
Bon... déjà des chiens/chats domestiques dans la nature... ça n’existe pas trop trop, on les a modifiés en les faisant vivre à nos côtés. J’ai eu la "chance" d'en voir qui étaient assez proche de cet état : en vacances une dizaine de jours au bord de la mer noire, dans le pays le plus pauvre de l’Union Européenne. J’ai eu l’occasion de voir des chiens et surtout des chats laissés à l’abandon dans la "nature".
L’été, la plage et… les restes de tables
En haute saison, donc à partir de début juin ou ça commence tout juste, et jusqu'à fin septembre environ, globalement leur vie reste assez facile.
Ils s’écartent un peu de cet état "dans la nature" : tous les restos ouvrent, donc ils squattent les terrasses en quête de petits morceaux de viande, et surtout de poisson et fruits de mer (bord de mer oblige) que les touristes voudront bien leur laisser.
Ils réussissent aussi souvent à récupérer des restes de poissons dans les poubelles, arêtes et abats, ce qui équilibre sans doute un poil les morceaux de chair qu’ils réussissent à mendier.
L’hiver vient, inexorablement
En hiver... c’est évidemment plus complexe.
Quasi pas de touristes avec 99% des restos et petits commerces fermés sur la côte (ils commencent tout juste à ouvrir à cette époque-ci).
Ils survivent tant bien que mal, en pêchant un peu, en chassant un peu...
Et on recommence avec un nouveau cycle
Et pourtant, chaque été on voit plein de nouveaux petits chats et pas mal de chiens en relative forme... ils survivent... l’espèce perdure... elle n’est pas belle la nature nourricière ?
Parce que après tout, la nature n’a pas de but en soi... une espèce perdure si suffisamment de ses représentants réussissent à survivre (ici à l’hiver, le moment où ils sont vraiment livrés à eux-mêmes dans la nature) et à se reproduire… et ça va vite : une seule chatte met bas toute une portée, voire facilement 2 sur l’année, il suffit d’un survivant par portée pour faire perdurer la chose !
Du coup à cette époque-ci, on observe finalement assez peu de chats, par rapport à septembre... quelques femelles d’à peine 1 an avec des mamelles pendantes qui viennent visiblement de mettre bas... leur petit corps déformé par une gestation bien trop jeune... quelques matous bien écorchés par la vie (qui ne doivent pourtant pas avoir plus de 3 ou 4 ans au mieux), quelques petits rescapés qui ont dû naître vers mars, le début du redoux et qui seront déjà gestantes à la fin de l’été pour les femelles... c'est magnifique non ?
Globalement des chats avec des poils hyper rêches (et non, les omégas 3 des poissons ne font pas tout), souvent des défauts de croissance (j’ai vu un "joli" cas de rachitisme sur un jeune, mais pas eu le temps de prendre la photo qu’il avait filé entre 2 pierres en claudiquant) et je ne parle même pas des pathologies non liées directement à l’alimentation... de jolies gales notamment.
Tout ça pour vous dire quoi ?
Non, se baser sur "la nature" soi-disant bien faite pour nourrir au mieux son animal, ce n’est pas cohérent.
Personnellement, mon but n’est pas que mon chat meure à 3 ans avec un poil rêche, maigre, en mauvais état général... mais plutôt qu’il vive jusqu'à 20 ans avec une santé globalement correcte… et que pour ça, lui donner une alimentation équilibrée et adaptée à ses besoins est une condition sine qua none.
Attention, nous ne sommes pas en train de dire que le naturel c’est mauvais et que le non-naturel (quoi que ça puisse vouloir dire) est top. Juste que, pour décréter que quelque chose est bien ou pas, intéressant pour l’animal ou pas, le critère "c’est naturel" ne veut rien dire !
La nature n’est pas belle ni gentille. La nature, ce sont aussi les dizaines de chats et chiens qui meurent l’hiver parce que pas assez costauds, pas de chance, pas assez à manger, etc... que m’ont décrit les locaux quand je leur ai demandé... mais il en reste toujours quelques-uns, plus malins, plus chanceux (ou pas) que les autres et la florissante nature reprend ses droits, les portées reviennent aux beaux jours, et le cycle recommence... merveilleuse nature.
Carences et idées reçues
Nos chats et surtout nos chiens sont globalement très résistants à la carence. Ils ont été sélectionnés pour ça.
Mais la carence, au long terme, ça entraîne des conséquences non visibles à la prise de sang avant qu’il ne soit trop tard, mais qui bien souvent réduit la durée de vie, et la qualité de vie, de nos compagnons à 4 pattes. Alors faisons cesser toutes ces idées reçues !
Peu importe que le chien ne cuise pas sa viande, ou ne mange pas de carottes "dans la nature", si pour lui, à ce moment de sa vie et pour diverses raisons, c’est plus intéressant de lui donner cuit et de lui ajouter des carottes pour les fibres.
La science (et la nutrition est une science) n’est pas là pour nous faire plaisir ou pour nous conforter dans nos petites opinions personnelles. Elle est là pour s’approcher au maximum de la vérité.
Reste à savoir quel est votre but : faire vivre au mieux et le plus longtemps possible en bonne santé votre compagnon, ou lui souhaiter la même vie que ces petits chats et chiens qui vivent "au naturel" autant que faire se peut, et pour la plupart ne passeront pas l’hiver ?
Naturel Vs Chimique
Un autre refrain que l’on entend souvent concerne les compléments naturels Vs chimiques.
On pourrait débattre longtemps de la limite entre le naturel et le chimique/non naturel… car cette frontière, si elle existe, est extrêmement mince voire flou. On pourrait penser que tout ce qui est créé par l’homme n’est pas naturel et que par défaut le naturel est forcément mieux ? voyons ça…
Le sucre blanc (ou roux) c’est naturel ou ce n’est pas naturel ? Car on le raffine à partir de plantes comme la betterave sucrière ou la canne à sucre… mais on l’obtient directement de la plante… mais c’est créé par l’homme… alors ?!?
Et l’aspirine… à la base le principe actif est de l’acide salicylique que l’on retrouve dans certaines plantes. L’aspirine créée par l’homme est faite à base d’une molécule "de synthèse" : l’acide acétylsalicylique… qui présente les mêmes avantages que l’acide salicylique mais sans les inconvénients… comme quoi le "chimique" est parfois meilleur que le remède "naturel".
D’ailleurs le mot "chimique" en soit ne veut rien dire, tout est chimique !
Votre respiration qui est un processus que l’on peut qualifier de "naturel" est une succession de réactions chimiques… la photosynthèse des plantes c’est chimique… la digestion c’est chimique…
Et si on se faisait un petit top 5 des poisons 100% certifiés naturels ?
- les amatoxines (tue un homme en 7mg)
- le cyanure (6mg/kg dose létale)
- la strychnine (fatale à 2mg/kg)
- la ricine (mortelle à moins de 1mg/kg)
- la toxine botulique (ma préférée, 500g est capable de tuer potentiellement… l’humanité entière)
Dame nature est décidément très généreuse et sacrément vicieuse.
En conclusion
Cet article prend le contre-pied de ceux qui font leurs choix avec pour premier (ou même seul) critère : "c’est naturel". Il permet d’interroger la logique de ceux qui passent leur temps à dire que le naturel c'est forcément le mieux sans jamais apporter de nuance et en se basant sur ce seul critère du "naturel" pour choisir ou dénigrer un type d'alimentation ou de traitement médical.
On arrive aujourd'hui à un point où nous voyons tous les jours des personnes choisir quelque chose avec "le naturel" comme premier critère, plutôt que "ça fonctionne", " c'est sûr" ou "c'est mieux nutritionnellement parlant". Pire : se refuser des compléments, qui sont des ajouts intéressants et sans risque, sous prétexte qu'ils ne sont "pas naturels"… ce qui peut être dramatique sur le moyen ou long terme avec certains modes d’alimentation.
Il suffit de consulter les médias pour se rendre compte de la défiance actuelle envers le corps médical et les vétérinaires (notamment avec les vaccins), les laboratoires pharmaceutiques (sauf Boiron…), les industriels en tout genre, le gouvernement, etc… tout cela relève plus de la posture et de la croyance ou d’un mode de vie.