Je vois de plus en plus d'éleveurs de chats ou de chiens, s'orienter vers le BARF pour nourrir leurs animaux. Quête d'une alimentation naturelle et authentique ? Choix stratégique pour répondre à une demande ? Phénomène de mode ? Convictions personnelles sur la nutrition ? Surement un mélange d'un peu de tout cela...
Le BARF reste la solution la plus complexe à mettre en place, et demande de solides connaissances afin d'équilibrer correctement les menus. D'un point de vue économique, c'est également l'une des solutions les plus chères. Les futurs propriétaires seront également impactés par ce choix que font certains éleveurs.
Dans ces conditions, le BARF est-il vraiment pertinent ?
Pro, amateur, particulier... help !
Depuis 2016, la loi française impose de nouvelles règles pour régir la vente d’animaux : au-delà d'une portée par an, l'éleveur doit disposer d'un numéro SIREN. À partir de ce moment, on peut considérer cet éleveur comme étant un professionnel. Cette formalité administrative ayant surtout pour but de dissuader les particuliers de faire reproduire leur animal et tenter de lutter contre l'abandon en faisant diminuer l'offre de chiots et de chatons.
Si l'on se réfère au code rural, articles L. 214-6-2 et L. 214-6-3, les vendeurs professionnels sont des personnes qui se sont déclarées à la chambre de l’agriculture pour exercer l’activité d’éleveur. Ces personnes sont des professionnels même avant la vente du premier chiot/chaton. À l'inverse, les vendeurs particuliers ne se sont pas déclarés à la chambre de l’agriculture, détiennent au moins une femelle reproductrice et ne créent pas plus d’une portée par an qu’ils inscrivent au Livre des Origines Français (LOF) ou au Livre Officiel des Origines Félines (LOOF).
Au-delà d'une portée par an, les éleveurs sont tenus de posséder l'ACACED qui rend obligatoire des connaissances minimums dans différents domaines : l'alimentation, le comportement, le droit, le logement, la reproduction, la santé, la sélection et le transport. Cette formation de 2 jours se termine par une évaluation des connaissances, et sous réserve de la réussite, d'une attestation délivrée par le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF). Malheureusement, en si peu de temps, on ne fait que survoler les sujets. Certaines sociétés de formation proposent cependant des ateliers de perfectionnement, notamment en nutrition.
Tout cela pour vous dire quoi ? Que finalement, en nutrition, un éleveur n'est pas forcément plus formé ou compétent qu'un simple particulier. Et cela a une grande importance pour ce qui va suivre...
Le BARF et la gestation
Le problème premier avec le BARF, c'est de réussir à équilibrer correctement des rations avec des aliments dont la teneur en micro-nutriments n'est pas garantie. À moins d'être parfaitement formé en nutrition canine et féline (et d'avoir les outils nécessaires) cet équilibre est tout simplement impossible à obtenir avec des pourcentages de viandes, d'abats et d'os charnus.
Il existe aussi du BARF "broyé" sous forme de boudin que l'on peut trouver facilement sur Internet. Souvent trop gras, mal équilibrés et très chargés en minéraux, ces boudins posent questions sur leur qualité. Surtout que les données nutritionnelles sont généralement incomplètes. Les matières premières utilisées ne sont pas différentes de celles des croquettes... la cuisson en moins... et le risque sanitaire en plus.
Même avec un BARF parfaitement équilibré, le fait de renoncer totalement aux glucides (et donc à l'amidon) peut être contre-productif chez la femelle en gestation. Dans l'étude nommée "Influence of a low carbohydrate diet on performance of pregnant", des chiennes Beagle, âgées de 2 à 5 ans, ont été nourries pendant leur gestation, soit avec un régime apportant 44% de l'énergie sous forme d'amidon, soit avec un régime sans amidon. Les chiennes ont été nourries avec l’un de ces deux régimes entre 24 à 28 jours de gestation, et jusqu’à 10 semaines après la mise-bas.
Résultat ? Plusieurs chiennes nourries sans amidon ont fait des hypoglycémies. Chez ces chiennes, on a également observé une plus grande mortalité néonatale avec seulement 35% de chiots vivants à 3 jours, contre 93% chez les chiennes qui recevaient de l'amidon. Ce phénomène s’explique par les besoins en glucose très importants pendant la gestation pour le développement fœtal. Ce besoin est en revanche moins important pendant la lactation.
Le BARF pendant la croissance
Lors du sevrage et de la croissance, les choses se compliquent encore. Les grands principes du BARF sont tout simplement inadaptés à cette période de la vie.
Pour s'en rendre compte, il suffit d'analyser des menus BARF typiques avec un logiciel comme Pet Diet Designer. On peut alors constater : un ratio Ca/P trop proche de 1, une carence en cuivre, zinc, manganèse, iode, vitamine A, D, E... On observe aussi un rapport en acides gras essentiels LA/ALA défavorable à cause de l'absence d'huile végétale. Même avec l'introduction des abats, certains oligo-éléments restent à une dose trop faible :
Image : Dr Vet Antinea Ecrepont
Il faut savoir que le calcium, le magnésium, le cuivre, le zinc, le manganèse, l'iode, les vitamines A, D et B6 sont impliquées dans la croissance osseuse. Une étude sur les effets de régimes alimentaires à différentes teneurs en calcium et en phosphore montre qu'un régime mal équilibré amène des troubles sévères du squelette ainsi qu'un retard de croissance.
Contrairement à l'adulte, le chiot/chaton ne régule pas son absorption de calcium : si vous en donnez trop, il l'absorbera. Il est alors très compliqué de bien doser les apports avec des os charnus, même en les variants. Et ne comptez pas sur l'aspect "crayeux" des selles pour vous aider. Cette technique étant déjà plus que douteuse avec des animaux adultes...
Les carences/excès en vitamines et minéraux ne sont jamais sans conséquences lors de la croissance. Une autre étude montre l'impact que peut avoir un régime alimentaire mal équilibré à base de viande crue. En seulement 6 semaines, le chiot Berger Anglais de cette étude a présenté des problèmes majeurs de boiterie. Les radiographies de contrôle ayant mis en évidence une ostéopénie diffuse sévère.
Les conséquences pour les futurs acquéreurs
Le fait d'avoir un chiot ou un chaton sevré au BARF n'est pas anodin. En tant que futur propriétaire, il est important de se renseigner sur l'alimentation qu'a reçu le jeune animal au moment du sevrage.
N'hésitez pas à demander à l'éleveur la liste des aliments que le chiot/chaton a consommé, à quelle période et en quelle quantité. La réponse que vous allez obtenir peut influencer grandement sa vie future. La digestion de l'amidon se met doucement en place vers les 5 semaines de vie. Elle augmente un peu entre 6 et 8 semaines, et augmente nettement vers 8 semaines (Nutritional Requirements and Feeding of Growing Puppies and Kittens).
Si le jeune animal a ingéré de l'amidon de façon régulière lors du sevrage, c'est parfait. Par la suite, et en fonction de différents facteurs, une alimentation 100% croquettes sera possible.
En revanche, s'il n'a jamais ingéré d'amidon, il est possible que sa production d'amylase (l'enzyme qui digère l'amidon) n'est pas activée. Tous les chiens ont dans leur génome le gène de l’amylase, nécessaire à digérer l’amidon. Mais même si l’enzyme est prévue dans le code génétique, il faut que sa production soit activée. Cette activité est stimulée par la consommation d’amidon chez le chiot, on dit qu’elle est inductible.
Ce deuxième cas est problématique, car il arrive que l'activation de l'amylase ne se fasse pas ou pas assez. L'animal est alors affecté à vie et ne sera pas en capacité de digérer correctement une alimentation de type croquettes. Et cela lui ferme définitivement les portes des croquettes médicalisées en cas de soucis de santé.
L'alimentation à base de viande crue pose également un problème d'ordre sanitaire. Une étude anglaise sur de la viande de poulet à consommation humaine vendue au détail a montré que 70% des échantillons étaient contaminés par campylobacter et 4% par des salmonelles. Or, on sait qu'un chien ou un chat qui mange une viande crue contaminée, va absorber ces bactéries et les excréter un peu partout dans son environnement.
Quelques recommandations
Amis éleveurs au BARF, vous ne voulez pas donner de croquettes à vos animaux ? Vous pouvez opter pour du BARF sans os, en utilisant un complément type CMV. Ou, plus simplement, partir sur une ration ménagère à base de viande crue. L'accompagnement par un professionnel de la nutrition est alors fortement conseillé.
L’amidon n’est pas un nutriment essentiel pour nos chiens et nos chats. En effet, ils peuvent synthétiser le glucose dont ils ont besoin à partir des protéines, via la néoglucogenèse. Cependant, ne pas apporter d’amidon peut être dangereux à certains stades de vie, particulièrement lors de la reproduction chez la chienne.
Dans le Small Animal Clinical Nutrition la recommandation est d'apporter au moins 23% de glucides (sur matière sèche) pour les chiennes gestantes et allaitantes. L'apport d'amidon au cours du sevrage est aussi très important pour permettre l'activation et la production de l'amylase. Autant donner toutes leurs chances à ces chiots et chatons pour une vie longue et heureuse.
Afin de prévenir les risques pour la santé humaine, les animaux sevrés au cru ne devraient pas rejoindre des familles en contact avec des personnes fragiles. Je pense notamment aux nourrissons, aux personnes âgées, aux femmes enceintes ou aux personnes immunodéprimées qui sont bien plus sensibles aux toxi-infections d'origine alimentaire.
Vous êtes un particulier à la recherche d'un élevage ? Renseignez-vous sur le type d'alimentation que donne l'éleveur à ses animaux. Ceci afin d'éviter des surprises, et parfois des déconvenues...