Aminogramme

Je remarque depuis quelque temps, sur les réseaux sociaux, la présence du mot aminogramme dans les échanges concernant les croquettes. Cela est assez surprenant, car ce terme n'appartient pas vraiment au langage courant. Moi-même, je n'en ai jamais parlé auparavant, car les notions qui se cachent derrière ce sujet sont assez complexes et hors de portée du grand public.

Mais pas de problème, si le peuple veut parler d'aminogramme, votre serviteur s’exécute. Au préalable, je vous invite à consulter les liens suivants afin d'acquérir les connaissances nécessaires à la bonne compréhension de cet article :

Vous connaissez maintenant par cœur ces notions ? Vous êtes alors prêt(e) à continuer...

Définition

Le terme aminogramme désigne un tableau ou un profil qui présente la composition en acides aminés d'une substance donnée, généralement une protéine ou un aliment. Il indique la quantité et la proportion des différents acides aminés présents, qu'ils soient essentiels (ceux que l'organisme ne peut pas synthétiser et doit obtenir par l'alimentation) ou non essentiels (ceux que le corps peut produire).

En nutrition, un aminogramme permet d'évaluer la qualité d'une protéine en fonction de sa composition en acides aminés essentiels. Il est notamment utilisé pour comparer différentes sources de protéines (animales, végétales, compléments alimentaires).

Le facteur limitant dans un aminogramme désigne l’acide aminé essentiel le moins présent par rapport aux besoins de l’organisme. Il est déterminant pour la qualité nutritionnelle d’une protéine, car une carence en un seul acide aminé essentiel peut limiter l’utilisation des autres pour la synthèse des protéines corporelles.

Pour rappel, parmi tous les acides aminés, 10 pour le chien et 11 pour le chat sont dits essentiels : la leucine, l’isoleucine, la valine, la lysine, la méthionine, la thréonine, le tryptophane, la phénylalanine, l’histidine, l’arginine et la taurine (pour le chat).

A quoi ressemble un aminogramme

Savez-vous à quoi ressemble un aminogramme et quelles sont les données issues de cette analyse ?

Afin de réaliser un aminogramme, vous devez tout d'abord entrer en contact avec un laboratoire indépendant pour commander une analyse. Vous devez ensuite envoyer un lot (ou des lots) à tester en indiquant vos références internes. Le laboratoire se charge ensuite d'analyser le(s) lot(s) envoyé(s) et de vous fournir une fiche avec les différentes mesures. On peut faire l'analogie avec une analyse de prise de sang.

Pour des raisons évidentes de confidentialité, j'ai caché la référence du produit analysé ainsi que les données précises des résultats :

Aminogramme d'une référence de croquettes pour chien

L'analyse présentée ici est très complète, car elle mesure les 20 acides aminés standards en plus de la taurine et de la cystine. On trouve le taux moyen mesuré, l'incertitude de mesure, mais également l'écart en pourcentage par rapport à l'étiquetage. On peut noter à ce sujet que l'écart entre la mesure moyenne et l'étiquetage est très faible (< 3 %). J'ai volontairement choisi un produit de qualité pour cet exemple.

Pour information, il existe 20 acides aminés protéinogènes standards, c'est-à-dire ceux qui entrent dans la composition des protéines chez les êtres vivants. En dehors de ces 20, il existe également des centaines d’autres acides aminés non protéinogènes, qui jouent divers rôles biologiques mais qui ne sont pas directement intégrés dans les protéines. La cystine n'est pas un acide aminé distinct, mais une forme dimérisée de la cystéine. La taurine, quant à elle, n'est pas un acide aminé au sens strict mais est plutôt un acide aminé soufré non protéinogène.

Interpréter les résultats

Avoir des chiffres, c'est très bien, mais encore faut-il savoir les interpréter correctement. Et c'est exactement là que les choses vont sérieusement se corser. Comme indiqué deux chapitres plus haut, certains acides aminés sont dits "essentiels". Cela signifie qu'ils ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme, même si celui-ci en a besoin. Ils doivent donc être apportés obligatoirement par l’alimentation en quantité suffisante.

La FEDIAF indique aux fabricants d'aliments, des taux minimaux en acides aminés :

Fediaf 2024 Unit per 100 g dry matter

Les valeurs indiquées représentent les dernières recommandations, pour l'alimentation du chien, dans 100 grammes de matière sèche. Il existe un autre tableau, cette fois-ci pour le chat, avec des valeurs différentes.

Vous remarquerez la présence de 4 colonnes qui représentent des cas différents. La deuxième colonne, ayant pour indication 110 kcal/kg^0,75, représente les besoins pour un chien adulte ayant un besoin énergétique standard (sans facteur de correction), tandis que la première colonne est valable pour les besoins d'un chien adulte ayant un besoin énergétique réduit (facteur 0,85). Les deux dernières colonnes concernent les chiots et la reproduction.

Pour complexifier encore la chose, la FEDIAF précise dans son guide nutritionnel que : "si la digestibilité des protéines >80 % ne peut être garantie, il est recommandé de majorer les teneurs en acides aminés essentiels d'au moins 10 %". La FEDIAF apporte également des nuances dans certains cas : "pour chaque gramme de protéine brute au-dessus des valeurs indiquées, un supplément de 0,01 g d'arginine est nécessaire".

En réalité, le guide nutritionnel précise encore bien d'autres choses. Je me limite volontairement à ces quelques exemples pour vous montrer qu'il ne suffit pas de lire des chiffres bruts.

Allons encore un peu plus loin

Les niveaux en nutriments dans les tableaux de la FEDIAF sont les apports recommandés minimaux pour les aliments du commerce destinés aux animaux familiers, mais ne représentent ni les besoins minimaux ni les niveaux d'apport optimaux. Autrement dit, avec une alimentation non industrielle, on peut revoir certaines quantités à la baisse !

Les niveaux ne concernent pas non plus les aliments réservés à des objectifs nutritionnels particuliers (ONP). C’est pourquoi des produits spécifiques peuvent avoir des niveaux nutritionnels différents de ceux préconisés. Et des aliments ayant des ONP, vous en connaissez tous : les aliments des gammes vétérinaires.

Prenons un exemple concret avec les croquettes Hill's k/d Kidney Care, un aliment diététique développé pour les animaux présentant une insuffisance rénale. Le reproche couramment fait à ce type d'alimentation est le taux de protéines très bas (13,9 % pour la version chien). Comment combler les besoins en protéines avec un pourcentage aussi faible ?

Par habitude, vous calculez le RPC des Hill's k/d et vous trouvez seulement 34,5 g/Mcal. Or, le besoin en protéines d’un chien est estimé entre 55 et 65 g/Mcal. Et pourtant, tout est sous contrôle. Avec cet aliment spécialement formulé pour le soutien de la fonction rénale, le RPC est totalement caduc.

Il faut raisonner en acides aminés et non en taux de protéines. Si on additionne le taux minimum de tous les acides aminés du tableau de recommandations, on trouve seulement 5 g pour 100 g de matière sèche. En réalité, un produit comme Hill's k/d est formulé pour couvrir entre 150 et 200% des besoins quotidiens minimums, tout en ayant un taux de digestibilité très élevé. Ceci afin de répondre au fait que les chiens et les chats souffrant d'insuffisance rénale n’ingurgitent en moyenne que 2/3 de leur ration quotidienne.

Un outil bien trop inaccessible

Connaître la notion d'acide aminé et l'utilité d'un aminogramme, c'est très bien si on s'intéresse à la nutrition. Mais pas pour choisir un aliment industriel afin de nourrir son chien ou son chat.

Il est très difficile (pour ne pas dire impossible) pour une personne lambda d'obtenir l'aminogramme d'un produit. Même pour les professionnels, c'est parfois un véritable parcours du combattant. Ce qui est très intéressant à savoir, en revanche, c'est si une marque analyse ses productions avec des tests issus d'un laboratoire indépendant. À noter que toutes les grandes marques (Royal Canin, Hill's, Proplan...) effectuent des analyses sur leurs produits.

Hors aliments ayant des objectifs nutritionnels particuliers, des indicateurs plus simples comme le RPC et le RPP restent des outils intéressants. Bien évidemment, ces outils ne sont pas parfaits, ont des limites et ne permettent pas à eux seuls de juger de la qualité d'un produit. Mais ils ont au moins l'avantage d'être accessibles et faciles à calculer : il s'agit juste de diviser deux chiffres.

Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est qu'à moins d'être un ingénieur agronome ou un spécialiste en formulation, l'analyse fine d'un aminogramme est totalement hors de portée des particuliers, même avertis. D'autant plus si l'on veut mettre cela en corrélation avec les besoins spécifiques d'un animal.

Les aminogrammes sont, en revanche, très utiles aux ingénieurs agronomes et aux nutritionnistes. Ils leur permettent de perfectionner les formulations des produits, mais aussi d’établir un lien avec la qualité des matières premières utilisées.