De nombreuses marques mettent en avant la viande fraîche dans les croquettes. Mais au-delà du marketing et du beau filet de viande affiché fièrement sur l'emballage, la réalité est tout autre.
Même si techniquement, il est tout à fait possible d'incorporer des ingrédients frais dans la conception d'un aliment industriel pour animaux de compagnie, l'importance donnée à ses mêmes ingrédients frais est largement exagérée.
La liste des ingrédients
Sur tous les paquets de croquettes et toutes les boîtes de pâté, figure la liste des ingrédients. Il s’agit là d’un affichage obligatoire prévu par le règlement CE 767/2009 du 13 juillet 2009.
La réglementation oblige les fabricants à inscrire les ingrédients par ordre de poids en fonction de leur quantité. Si le premier ingrédient est le maïs, cela sous-entend que le maïs est l’aliment le plus présent dans le produit. Sauf que cette liste représente les ingrédients qui sont utilisés et non ce que l'on va retrouver dans le produit final. Et il s'agit là d'une énorme différence !
La viande fraîche (comme tous les aliments frais) contient environ 75% d'eau. Lors du processus d'extrusion, les ingrédients finissent déshydratés pour obtenir une croquette à environ 8% d'humidité. On estime que le pourcentage moyen de la quantité réelle d'un ingrédient après cuisson correspond au quart de la quantité indiquée en frais.
Analysons ensemble une référence de croquettes incluant de la viande fraîche :
Poulet fraîchement préparé 31%, patate douce (26%), poulet séché 21%, pois (6%), pulpe de betterave, pomme de terre
Naturellement, on se dit alors que notre croquette contient presque un tiers de poulet frais. Surtout si la marque vous présente un beau camembert pour vous montrer que le "poulet frais" constitue 31% de son produit.
Que nenni !
Un peu de mathématiques
Disons que notre poulet frais correspond à 310 grammes en poids, et que 75% de ce poids est constitué d'eau. L'eau représente alors pas moins de 232 grammes. Mathématiquement, il ne reste que 77 grammes pour les protéines, lipides, etc... Si on reprend les 8% d'humidité moyenne des croquettes, alors 77+8=85 grammes ou autrement dit 8,5%.
Voici à quoi ressemble notre référence de croquettes une fois l'eau de la viande fraîche retirée :
Patate douce (26%), poulet séché 21%, poulet fraîchement préparé 8,5%, pois (6%), pulpe de betterave, pomme de terre
Vous venez de tomber de votre chaise ? C'est tout à fait normal, car vous venez de vous rendre compte du joli tour de passe-passe de pas mal de marques. Il est bien plus flatteur pour votre esprit d'afficher un fort pourcentage de "frais" que d'indiquer la réalité en déshydraté.
Le sourcing
Il est tout à fait possible (et légal) de mettre de la viande fraîche dans la composition de croquettes ou de pâtées. Par contre, l'utilisation de cette viande ne sera jamais prioritaire vis à vis de la demande provenant de la chaîne alimentaire humaine.
Si une viande est vendue par un abattoir à destination de la petfood, alors cette viande sera sorti de l'alimentaire humaine de façon définitive pour devenir un sous-produit. On peut citer l'exemple d'un lot de filet de poulet qui tombe par terre et qui devient par ce fait impropre à la consommation humaine. On peut également citer les cœurs, foie, estomac, gésier et cous de poulet non utilisés en alimentation humaine et qui sont valorisés par la petfood.
En fonction des pays et des coutumes locales, les ingrédients peuvent varier. On utilise historiquement peu de porc en petfood en France, car on utilise quasiment tout dans le cochon pour l'alimentation humaine. Alors qu'en Espagne et en Italie, il y a beaucoup de croquettes à base de porc. Comme on le dit si bien chez nous : "tout est bon dans le cochon".
Les usines de croquettes utilisent assez rarement de la viande fraîche. De plus, les usines de secs ne travaillent généralement pas en direct avec des abattoirs. L'utilisation de viande déshydratée (autrement dit, des farines) est la norme. Cela permet d'ailleurs d'obtenir des productions stables dans le temps.
Les usines travaillant l'humide peuvent avoir des liens directs avec des abattoirs. On peut monter plus facilement en qualité, mais avec un cahier des charges plus souple et donc avec des teneurs en matières grasses et en minéraux pouvant varier beaucoup plus par rapport aux croquettes. La consommation de viande étant en baisse, les usines d'humide commencent par ailleurs à avoir des difficultés pour se sourcer en frais.
La réalité du frais en image
Les photos ci-contre viennent de l’usine de GA Pet Food Partners située en Angleterre.
Cette usine propose notamment bon nombre de formulations en "marque blanche". Ce qui permet à n'importe qui ayant envie de se lancer dans la vente de croquettes, d'y acheter des produits sur catalogue. Le mieux là-dedans, c'est qu'il n'y a même pas besoin de s'y connaître en nutrition.
D'ailleurs, comment pensez-vous que du jour au lendemain, un éleveur ou un comportementaliste puisse se mettre à vendre ses propres croquettes ? Il n'a certainement pas passé un diplôme d'ingénieur agronome pendant la nuit. Et encore moins acheté une usine de fabrication de croquettes...
On voit parfaitement ici les ingrédients frais qui sont utilisés, à savoir de la dinde et du saumon. On est loin de l’animal complet ou du beau filet de boucherie/poissonnerie comme ceux que l'on peut trouver en supermarché.
Non, ce sont bien des sous-produits de catégorie 3 issus des abattoirs d'alimentation humaine. Autrement dit, les restes de découpe et autres abats non utilisés dans notre alimentation. Est-ce un problème ? Absolument pas ! Sauf pour votre imaginaire... qui n'est absolument pas aidé par le marketing, souvent abusif, de certaines marques.
Tous ces vendeurs de croquettes qui vous disent qu'il y a de la vraie viande fraîche dans leurs produits vous trompent. Ou alors, elles ne savent même pas de quoi sont composées exactement leurs croquettes.