Si on demande quelle est la meilleure marque de croquettes au monde la réponse est bien souvent Orijen. Ou bien sa petite sœur, à savoir la marque Acana. Dans la pensée collective, ces deux marques sont ce qui se fait de mieux en croquettes pour chien et chat.
Depuis que j’ai commencé à m’intéresser à l’alimentation, j’ai toujours entendu ce même refrain. J’ai cru, moi aussi, au fait que ces deux marques sont le top du top en croquettes. D’ailleurs, j’ai acheté pendant deux ans des croquettes Acana pour mon Golden Retriever. Et je n’ai pas hésité à conseiller Orijen et Acana à mon entourage.
Sauf que plusieurs années se sont écoulées et mes connaissances en nutrition sont aujourd’hui largement supérieures à ce qu’elles étaient à l’époque. Au final, les marques Orijen et Acana sont-elles vraiment aussi bien que ça ?
Champion Petfoods en quelques mots
Les croquettes Orijen et Acana sont toutes deux issues des mêmes usines, appartenant au groupe Champion Petfoods. Le siège social et les usines de Champion Petfoods sont situés dans la province d’Alberta, à l’ouest du Canada. Ses paysages variés englobent des montagnes, des prairies, des plaines désertiques et de vastes forêts de conifères. Il existe également deux usines aux Etats-Unis qui desservent le marché américain.
Créé en 1985, le groupe Champion Petfoods est un fabricant indépendant d'aliments pour animaux de compagnie. Il emploie plus de 500 personnes pour un chiffre d’affaires estimé à plus de 200 millions de dollars par an.
Il faut savoir que le groupe Champion Petfoods a été racheté par Mars Petcare au premier trimestre 2023. "Nous sommes heureux d’accueillir Champion Petfoods et ses plus de 800 collaborateurs talentueux au sein de la famille de Mars Petcare", a déclaré Ikdeep Singh, Global President Mars Pet Nutrition.
De la volaille de plein air ?
Aux Etats-Unis, la Organic comsumers association et Animal Equality ont poursuivi en justice Champion Petfoods en 2020 pour marketing trompeur. Ces deux associations de consommateurs ont relevé plusieurs points qui accablent les produits Orijen et Acana.
Des volailles prétendues élevées en liberté avec mise en scène d'un agriculteur sous une fausse identité, alors que les sous-produits de volailles proviendraient du plus gros producteur des Etats-Unis chez qui le bien-être animal n'est pas vraiment une priorité.
Ce fermier, que Champion Petfoods est censé "connaître et en qui il a confiance" en tant que Todd de chez Clark Farms, est en fait Greg Hefton, un producteur sous contrat pour Tyson Foods, le plus grand producteur de volaille des États-Unis
Contrairement aux déclarations de Champion Petfoods selon lesquelles la volaille est "en liberté" et "élevée selon les normes les plus strictes en matière de soins aux animaux", la volaille qui entre dans la composition des produits Orijen et Acana provient d'oiseaux élevés entièrement en intérieur dans les conditions de promiscuité typiques des élevages industriels de volaille.
De la truite arc-en-ciel sauvage ?
Autre point soulevé par les deux associations, l’utilisation de truite arc-en-ciel prétendue sauvage avec une photo d'un pêcheur en mer. La truite proviendrait en réalité d'exploitations piscicoles industrielles avec les traitements chimiques inhérents à ce type d’élevage.
Champion Petfoods utilise des truites arc-en-ciel provenant de l'Idaho. Et la grande majorité des truites arc-en-ciel provenant de l'Idaho proviennent de grandes fermes piscicoles industrielles
Animal Equality a commandé des tests en laboratoire sur trois références différentes de chez Champion Petfoods. Deux des références, qui ne contenaient pas de truite arc-en-ciel, n'ont pas été testées positives à l'éthoxyquine. La troisième référence, qui contient de la truite arc-en-ciel, a été testée positive à l'éthoxyquine.
Or, la présence de résidus d'éthoxyquine indique que les poissons contenus dans ces références de croquettes ont été élevés et non pas capturés à l'état sauvage. Et pour cause, les résidus d'éthoxyquine ne sont pas présents dans les poissons sauvages mais sont couramment retrouvés dans les poissons d'élevage.
Dans le cadre de la résolution de ce conflit judiciaire, Champion Petfoods a accepté de faire preuve de plus de transparence en ce qui concerne son approvisionnement en poisson et a corrigé ses allégations de commercialisation de poisson "pêché à l'état sauvage".
Les cuisines de Champion
Il y a aussi l'utilisation du terme "cuisine" pour parler de leurs usines de fabrication. Ça fait quand même bien plus classe de parler de cuisine plutôt que d’usine agroalimentaire (aussi moderne soit-elle). En plus, d’après Champion Petfoods, ce sont des "cuisines primées" mais par qui, comment et pourquoi c’est un mystère.
Elle ressemble à ça la cuisine chez vous ?!?
Toutes ces astuces marketing sont là pour renvoyer aux clients une fausse image de proximité, de qualité… et de vous faire rêver. Au final, c'est effectivement biologiquement approprié mais pour votre esprit.
L'utilisation de viandes
En Europe, selon le règlement UE 1017/2017 du 15 juin 2017, le terme de “viande ou viandes” ne peut être employé que si l’on incorpore du muscle squelettique (du filet). Mais Champion Petfoods, comme toutes les autres marques de Petfood, n'utilisent pas de filet de viande... comme partout il s'agit de VSM (viande séparée mécaniquement).
Outre-Atlantique, la règlementation est différente, l'appellation viande reste tolérée dans la liste des ingrédients. Il y a encore 2 ans, on pouvait encore trouver le terme de viande dans la liste des ingrédients des croquettes Acana et Orijen. Mais Champion Petfoods a dû se conformer à la réglementation européenne en vigueur. Adieu la "viande", vous verrez désormais les termes "poulet frais" ou "dinde fraîche" à la place.
Lorsqu’on voit “poulet frais” ou “poisson frais” dans la liste des ingrédients, on imagine que ce sont des animaux entiers et vidés qui sont utilisés. En réalité, ce qui arrive en “frais” dans les usines de Petfood sont des restes de la chaine d’alimentation humaine. Et pourtant, sur leurs sites internet, voici le genre de chose que l'on peut apercevoir :
La viande fraîche contient environ 75% d'eau. Lors du processus d'extrusion, les ingrédients finissent déshydratés pour obtenir une croquette à environ 8% d'humidité. On estime que le pourcentage moyen de la quantité réelle d'un ingrédient après cuisson correspond au quart de la quantité indiquée en frais.
Les 85% des "viandes fraîches" fièrement affichés sur les emballages sont donc l'équivalent d'à peine 22% de viandes déshydratés... Ça fait tout de suite moins rêver !
L'action collective contre Champion PetFoods
En 2018, un recours collectif a été lancé aux Etats-Unis. Ce recours soulève la présence de traces de métaux lourds dans certains produits Orijen et Acana vendus aux Etats-Unis. En particulier l'arsenic, le plomb et le cadmium, ainsi que la contamination par le bisphénol A (BPA). Tous ces composés sont connus pour présenter des risques pour la santé des humains et des animaux.
Les allégations spécifiques comprennent "la négligence, imprudence, et/ou la pratique intentionnelle de déformer et de ne pas divulguer pleinement la présence de métaux lourds et de toxines dans leur nourriture pour animaux de compagnie vendus à travers les États-Unis".
Même si les taux relevés sont réels, ils sont en dessous des maximums autorisés par la réglementation. Pour une entreprise qui met systématiquement en avant la "naturalité" de leurs produits et de leurs "cuisines" qui sont d’après eux "parmi les plus sûres au monde, se rapprochant des usines d’aliments pour humains", ça laisse forcément des traces.
Tout ceci ressemble à un beau rappel à la réalité : les produits Champion PetFoods sont des aliments industriels qui ne sont peut-être pas si qualitatifs que ça...
Et encore, je ne vous parle pas du poulet aux antibiotiques et du bœuf aux hormones qui sont courants aux Etats-Unis et au Canada et qui se retrouvent dans leurs croquettes.
Analyse de la composition
Je vous ai déjà présenté un outil intéressant pour juger de la qualité d'une croquette : le RPP. On considère qu'une croquette est de qualité premium lorsque ce rapport est égal ou supérieur à 35. La marque Orijen a un RPP moyen de 34. Le score le plus faible (25) pour la référence Regional Adult, le score le plus fort (40) pour la référence Fit & Trim. Pour la marque Acana, la moyenne se situe à 30. Le score le plus faible (23) pour la référence Red Meat, le score le plus fort (41) pour la référence Pacifica.
On peut donc situer ces deux marques dans le moyen de gamme. Mais... Orijen et Acana sont des produits utilisant des légumineuses. Or, les légumineuses possèdent un taux relativement élevé de protéines végétales et sont naturellement faibles en phosphore, ce qui améliore artificiellement le RPP. Voici un extrait d'une composition pour chiot : "lentilles rouges, lentilles vertes, pois verts, fibre de lentilles, pois chiches, pois jaunes". À 2% ou 3% chacune, cela nous fait un joli total estimé à 15/20% de la recette, et ceci est loin d'être négligeable.
L'utilisation de légumineuses dans les croquettes est aujourd'hui très controversée. Des cas de cardiomyopathies dilatées d'origine alimentaire chez le chien sont en cours d'étude depuis 2018. La FDA a répertorié 16 marques posant potentiellement problème, Acana et Orijen figurent parmi ces 16 marques.
N'oubliez pas non plus de regarder du côté du taux de phosphore, et là les choses se gâtent quelque peu. De nombreuses références de chez Orijen ou Acana dépassent, parfois largement, la barre fatidique des 1,1 % de phosphore. Cela peut même monter jusqu'à 1,6 % pour la référence Orijen Regional Adult ce qui est, sur le long terme, néphrotoxique et risque de provoquer une insuffisance rénale incurable.
Transport et conclusion
Outre les considérations écologiques, les produits Orijen et Acana qui arrivent sur le marché européen proviennent du Canada. Et pour cela, les paquets de croquettes font un long parcours en camion puis en cargo en passant par plusieurs lieux de stockage. Entre le dédouanement au départ du Canada, le trajet en cargo et le dédouanement à l'arrivée en France, les containers font au total plusieurs semaines de voyage. Ce transit s'effectue sous toutes les conditions climatiques possibles, avant que les croquettes n'arrivent à leur destination finale.
Des produits créés hors zone Euro, basés sur les normes sanitaires et réglementaires américaines. Une composition analytique qui montre une qualité des protéines intermédiaire avec des ingrédients différents de nos standards. Des croquettes qui font plus de 6000km pour arriver jusqu’à nous, une image qualitative largement surcotée, un marketing abusif voire mensonger… non, décidément Orijen et Acana ne sont pas les meilleures croquettes au monde.
A l'inverse, ce ne sont pas les pires non plus... le marketing abusif est monnaie courante pour bon nombre de croquettes françaises et/ou européennes. On peut facilement trouver tout un tas de produits de qualité inférieure voire très inférieure à ce que fait Champion Petfoods.
Vous êtes perdu ?
Je peux vous aider à trouver une alternative à Orijen lors d'un coaching nutrition personnalisé.