Du grec mycos (champignon) et du latin toxinum (poison), les mycotoxines désignent des métabolites secondaires sécrétés par des moisissures appartenant principalement aux genres Aspergillus, Penicillium et Fusarium. Elles se développent pendant la croissance et la conservation (stockage) des plantes.
Ces moisissures touchent aussi bien les céréales que les oléo-protéagineux (colza, soja, pois), les fruits et toutes les graines. Maïs et blé étant les plus touchés en nutrition animale. Logique, car ce sont les matières premières les plus produites, stockées et échangées à travers le monde.
Plus de 2500 mycotoxines ont été répertoriées. Mais seule une trentaine possède des propriétés toxiques réellement préoccupantes pour l'homme ou l'animal.
Présentation des mycotoxines
Les mycotoxines font partie des contaminants naturels de l'alimentation, notamment des denrées d'origine végétale. Par opposition aux molécules apportées intentionnellement ou accidentellement par l'homme tel que les additifs alimentaires et les résidus phytosanitaires.
Il s’agit de petites molécules peu solubles dans l’eau, difficilement dégradables par les organismes vivants et très stables à l’acidité et à la chaleur. Nous n'arrivons pas à détruire les mycotoxines par les procédés habituels de cuisson et de stérilisation car elles sont généralement thermostables.
Les mycotoxines concernent notamment les céréales (maïs, blé, orge, riz, etc...). Mais aussi les fruits, noix, amandes, pomme de terre et les produits manufacturés issus de ces filières destinés à l'alimentation humaine. Elles sont également présentes dans les grains, fourrages et aliments composés destinés à l'alimentation animale et peuvent être retrouvées dans le lait, les œufs, les viandes ou les abats, si les animaux ont été exposés à une alimentation contaminée.
Des mycotoxines, vous en avez déjà tous eu chez vous, dans votre poubelle ou sur les aliments gardés un peu trop longtemps. Comme par exemple sur un reste de baguette de pain restée plusieurs jours à l'air libre. Celle-ci prend alors des teintes verdâtres dégageant une odeur d'alcool de pharmacie.
Gestion des risques
Certaines mycotoxines ont une toxicité aiguë très marquée (exposition unique à une forte dose). Toutefois, en Europe, ce type d'exposition est exceptionnel chez l’Homme et concerne plutôt les filières animales. L'exposition répétée à de faibles doses, voire très faibles doses (effets chroniques), est la plus redoutée pour l’être humain.
Les mycotoxines les plus surveillées dans l’alimentation humaine sont :
- AFLATOXINE - pouvoir cancérigène élevé, peuvent provoquer des hémorragies et des atteintes hépatiques
- OCHRATOXINE - peuvent être à l'origine de lésions du foie, des reins et de la vessie, de diarrhées, de dysfonctionnement rénal, d'une baisse de la croissance ou de modifications hématologiques
- PATULINE - un neurotoxique
- FUMONISINE - peuvent être à l'origine de nécroses du pancréas, d'atteintes hépatiques, d'œdème pulmonaire, d'hépatotoxique ou de dommages sur les reins et les poumons
- ZEARALENONE - oestrogéniques provoquant avortement, infertilité, retours en chaleur avec des cycles décalés, hypertrophie de l'utérus et atrophie des ovaires
- TRICOTHECENE - peuvent provoquer des troubles digestifs, de l'anorexie, des lésions buccales et dermiques, une diminution des défenses immunitaires et des modifications hématologiques
L'ANSES a évalué les risques liés à la présence de mycotoxines dans la chaîne alimentaire aussi bien humaine qu’animale. Son objectif était de procéder à une revue des connaissances et d'approfondir plus particulièrement certains aspects. Dont notamment l'impact des mycotoxines sur la santé publique et la santé animale.
La réglementation européenne concernant les aliments pour animaux donne une valeur maximale assez faible pour l’aflatoxine B1 via la directive 2002/32/CE du 07 mai 2022. Pour les autres mycotoxines, les seuils ne sont que des recommandations sous forme de valeurs guides comme le montre le document (UE) 2016/1319 de la commission du 29 juillet 2016. Tout ceci ne concernant que les aliments fabriqués en Europe.
Leur présence dans les croquettes
On retrouve les mycotoxines en Petfood comme dans 50 à 70% de nos aliments. La plus fréquente en alimentation animale est l'aflatoxine B1, présente notamment dans les grains de blé.
Cette étude chinoise de 2018 examine la présence de mycotoxines dans les croquettes pour chiens. Les résultats montrent que 96,9% des échantillons testés sont contaminés par au moins trois types différents de mycotoxines. Plus inquiétant encore, l’aflatoxine B1, trouvée dans tous les échantillons positifs, dépasse les limites maximales fixées par l'Union Européenne. Un seul échantillon a été trouvé exempt de mycotoxines.
Revenons en Europe avec cette étude de 2019 qui analyse 64 marques de croquettes pour chat achetées en Italie. Le désoxynivalénol et les fumonisines sont les contaminants les plus courants (quantifiés respectivement dans 80 et 95 % des échantillons). En revanche, les aflatoxines B2, G1 et G2 n'ont été identifiées dans aucun échantillon. Certains aliments pour chats dépassent la limite réglementaire pour l'aflatoxine B1 ou les valeurs indicatives pour la zéaralénone, les fumonisines et l'ochratoxine A et T-2. De nombreux échantillons contiennent des quantités quantifiables de deux, trois et même quatre mycotoxines.
Dans cette autre étude de 2020, 38 échantillons d'aliments secs pour chats et chiens disponibles sur le marché polonais ont été examinés. Les chercheurs ont voulu quantifier spécifiquement l'ergostérol ainsi que les mycotoxines du Fusarium (fumonisin B1, deoxynivalenol, nivalenol, zearalenone). L'ergostérol et les mycotoxines d'intérêt ont été détectés dans les échantillons mais à des niveaux inférieurs aux recommandations.
Et pour les croquettes sans céréales ?
Comme vu dans les chapitres précédents, les mycotoxines concernent surtout les céréales (maïs, blé, orge, riz, etc…). On décèle leur présence dans quasiment toutes les croquettes, qu'elles soient vendues en supermarché, en animaleries ou dans les cliniques vétérinaires.
La solution évidente semble donc de se tourner vers des produits sans céréales. Et bien non… car les abats et les viandes d'animaux nourris avec des aliments contaminés peuvent également contenir des mycotoxines. Une vache, une poule ou une chèvre qui mange des mycotoxines vont par la suite garder ces mycotoxines dans son organisme.
Pour preuve, voici les résultats d'une analyse datant d’octobre 2016 sur un paquet de "Carnilove Saumon". Cette analyse a été demandée par l'association SNAC qui est spécialisée sur cette question. Malgré l'absence de céréales dans ce produit, l'analyse démontre la présence de 2 types de mycotoxines :
L’objectif à viser serait zéro mycotoxine ce qui est impossible. Que ce soit en alimentation humaine ou animale, tout n'est donc qu'une question de seuil. Il existe des guides de bonnes pratiques pour diminuer les contaminations tout au long de la chaine : dès le champ, pendant le stockage, etc...
Mycotoxines, tout est sous contrôle
La présence de mycotoxines est finalement très banale. Le problème est que l’on a peu d’études scientifiques chez le chien et le chat pour indiquer à quelle dose, et en combien de temps d’exposition, telle ou telle mycotoxine induit des symptômes. Nous ne connaissons pas non plus les effets de plusieurs mycotoxines consommées simultanément.
L’analyse des matières premières permet de limiter l’incorporation d’ingrédients à risque, ou de les mélanger avec des ingrédients à moindre concentration. Un séchage efficace et le maintien en état déshydraté ou un entreposage correct sont des mesures efficaces contre les moisissures et la production de mycotoxines.
La FACCO (Fédération des producteurs d’aliments pour animaux de compagnie) préconise des analyses régulières. Les fabricants sérieux contrôlent les lots de céréales (ou tout autre source d'amidon) afin de vérifier la présence de mycotoxines. Les seuils de détection étant très bas, il est possible de détecter la présence d’une quantité même infime de mycotoxines. Le taux total en aflatoxine serait en général supérieur pour les aliments dits "économiques" comparés à ceux de la classe "premium".
La qualité de la conservation à la maison va également jouer un rôle. Il vaut mieux conserver vos croquettes dans le paquet d’origine, correctement fermé, dans un endroit sec et pendant moins de 3 mois. Ne videz pas vos paquets de croquettes dans un bac, mettez le plutôt entier et fermé à l'intérieur du bac.